Augustin Senghor, Président de la FSF: «Si la pandémie est jugulée avant novembre…»
Dans cet entretien, le président la Fédération sénégalaise de football (Fsf), Me Augustin Senghor, aborde les impacts de la Covid-19 sur les calendriers du football. À l’en croire, la reprise du championnat en novembre, avant ou même après, dépend de l’évolution de la pandémie. En ce qui concerne la Can prévue en janvier au Cameroun, le président de la Fsf dit être pour son report si les conditions sanitaires, de spectacle et de fête ne sont pas réunies.
La Fédération sénégalaise de football a décidé de suspendre le championnat jusqu’au mois de novembre. Est-ce définitif ou cela dépendra-t-il de l’évolution de la Covid-19 ?
Nous sommes partis des éléments d’informations disponibles auprès des autorités. Dans son allocution du 11 mai dernier, le président de la République avait dit que d’après les experts, on n’escompterait pas la fin de la pandémie avant septembre. Partant de là, il était illusoire de fixer des dates plus rapprochées que celles des experts et de l’autorité. Surtout que les mesures prises interdisent les rassemblements sportifs, l’utilisation des stades. Avec l’état d’urgence et le couvre-feu, les forces de l’ordre qui assuraient la sécurité dans les stades ont d’autres occupations, d’autres urgences à gérer. Donc il était impossible de jouer d’ici au mois d’août ou septembre. Partant de là, nous avons dit qu’il fallait nous projeter plus loin et c’est ainsi que l’idée de reprendre au mois de novembre nous est venue. Certains disent que c’est pour ne pas annuler tout simplement. Cela nous confronte à d’autres conséquences telles que définir les règles de montée et de relégation ainsi que l’octroi des titres. Nous avons estimé qu’avec treize journées, la moitié du championnat, il était difficile sans qu’il y ait contestation de donner le titre à Teungueth Fc. Il y a des équipes à 12 points qui soutiennent qu’il y a encore 39 points à prendre lors des 13 journées restantes et qu’ils pourront se rattraper. Nous avons donc trouvé cette formule pour définir les règles d’octroi des titres, de montée et de descente à partir des résultats du terrain. Et nous avons pensé à cette formule assez originale du play-off. Certains ne sont pas d’accord, mais quelle que soit la décision, il y aura des contestations. Nous sommes dans un monde de compétitions et chaque club ne gère que ses intérêts. Et comme il y a autant d’intérêts que de clubs, c’est difficile de trouver une entente et l’instance habilitée a décidé, en attendant de voir. Nous projeter sur novembre nous donne le temps, le recul nécessaire pour observer l’évolution de la pandémie. Si elle est jugulée plus tôt que prévu et qu’on puisse revenir sur la décision, nous n’hésiterons pas à le faire. Mais, pour l’instant, c’est la suspension jusqu’au mois de novembre qui est décidée. Et c’est ce qui devrait être appliqué.
Est-ce pertinent de reprendre après huit mois d’arrêt des compétitions ?
C’est un débat qui n’a pas de sens à mon avis. Ce n’est pas la Fédération qui a décidé d’arrêter le championnat. Nous sommes dans un contexte de cas de force majeure. Aujourd’hui, on parle de novembre, on n’est pas même pas sûr de rejouer durant ce mois. Peut-être que ce sera en novembre 2021. À un moment ou un autre, on reprendra. Comme on va reprendre, on va le faire sur un package qui va comprendre la terminaison de cette saison 2019-2020 et la saison 2020-2021, en jouant sur une période très réduite cette phase retour, en désignant les champions, les montées et les relégations, et ensuite un mois et demi après, nous projeter sur la saison suivante. Ce qui nous donnerait une saison assez longue. Aujourd’hui, ce n’est pas de bon cœur que nous décidons de jouer au mois de novembre, si ce n’était pas pour terminer la saison.
La Fédération a menacé de sanctionner les équipes qui refuseraient de jouer. Est-ce prévu par les textes, dans la mesure où la situation est exceptionnelle ?
Il n’y a pas eu de menace. Peut-être que cela a été perçu comme tel. Le rôle d’une administration fédérale est de rappeler les règles de fonctionnement. Ce que nous avons dit, c’est d’abord clairement qu’il est loisible à n’importe quelle équipe qui n’est pas d’accord de l’exprimer. Et ce n’est pas propre au Sénégal. En France, Lyon, Amiens et Toulouse sont en justice et personne ne leur en veut parce qu’ils appliquent et exercent un droit. Ce que nous n’allons pas accepter, c’est que des gens qui disent être pour le développement du football lancent une pétition avant même de recevoir la notification. Moi je pense clairement que ça cache des choses. Malheureusement, il faut qu’on se dise les choses. Il ne faut pas que les gens cherchent à chaque occasion à créer un embrasement pour des raisons inavouées. Nous ne sommes pas là pour ça. Le football a atteint une certaine stabilité parce que nous avons su fédérer, nous avons su tirer ensemble. Aujourd’hui, les progrès que nous avons eus, à l’international et au niveau local, on a beau dire qu’on n’a pas les moyens mais nous en avons, contrairement à des pays plus nantis, et nous avons le mérite de jouer le championnat du début à la fin. Ça c’est important à savoir. Aujourd’hui au Sénégal, même si certains peuvent le nier, c’est la fédération qui finance le football à 100%. Je dis à 100%. Tous les frais d’organisation, les subventions. Les frais d’organisation, par exemple, de la Ligue de football professionnel qui est censée être une entité autonome financièrement et juridiquement, c’est la fédération qui les prend en charge jusqu’aux salaires de leurs employés alors que nous ne sommes pas tenus de le faire. Avec tout cela, on ne peut pas se lever un jour et dire qu’on va faire une pétition pour déstabiliser. C’est ça le but recherché, mais ce n’est pas le moment. Nous subissons les affres de la pandémie. Et il ne faut pas en profiter pour créer la division. Nous avons aujourd’hui rappelé les règles. Dans le football, quand une équipe décide de ne pas jouer alors que la compétition se déroule, une sanction est prévue par les règlements généraux. Une circulaire a été sortie dans ce cadre, un club qui décide de ne pas participer est forfait général et déclaré d’office en inactivité. Et quand tu es en inactivité, tu es rétrogradé. Nous avons juste rappelé, nous n’avons pas menacé. Nous avons dit simplement que si nous donnons de l’argent pour jouer, l’équipe qui ne veut pas jouer doit avoir la décence de retourner ces fonds-là pour qu’on puisse les mettre ailleurs dans le football ou à d’autres clubs qui sont prêts à participer. On ne peut pas prendre l’argent et ensuite l’utiliser comme l’on veut. Aujourd’hui, quelle est la fédération qui a les moyens du Sénégal, qui a sorti près de 350 millions de FCfa ? Ce n’est pas encore fini, on va aider d’autres segments du football, par exemple nos entraîneurs des différentes catégories de nos équipes nationales, le beach soccer, etc. En ce moment-là, ils devaient être en train de travailler, percevoir des salaires, des primes et tout. Et ça, ils l’ont perdu. La fédération doit aussi les accompagner. Il y a beaucoup d’efforts à faire. C’est pour ça que nous sommes obligés de rationaliser les moyens. Ceux qui n’ont pas envie de participer à nos compétitions, je ne vois pas pourquoi nous devrions les subventionner. Il n’empêche, nous avons donné à tout le monde parce que nous ne pouvons pas, sur la base de déclarations qui ont été faites, priver des équipes de leurs droits. De grâce, que ceux qui ne veulent pas participer à nos compétitions retournent l’argent reçu sans qu’on le leur demande. Nous le prendrons et le mettrons ailleurs. Je suis d’avis que d’ici à novembre, nous trouverons une solution pour tous les acteurs du football parce que l’intérêt du football, c’est de continuer ensemble et de consolider les acquis qui ont été réalisés pendant une dizaine d’années avec l’implication de tout le monde.
Depuis quelques temps, on parle de la pertinence du report de la Can prévue en janvier 2021. Qu’en pensez-vous ?
C’est difficile de me prononcer parce que je suis membre du Comité d’urgence de la confédération. Dernièrement, on l’a évoqué. Il a été décidé qu’il y aura une concertation avec le pays organisateur, le Cameroun, pour voir ce qui peut être fait. La réalité est têtue. Nous sommes à quatre journées de la fin des éliminatoires. Si l’on n’arrive pas à les jouer d’ici septembre, c’est perdu. Donc il y a de forte chance que la Can soit repoussée. Il faut attendre que l’instance habilitée décide. Il sera difficile, si l’on veut être réaliste, de penser qu’en janvier, on pourra jouer cette Can.
Êtes-vous pour un report ?
Si les conditions ne sont pas réunies, je suis pour report. Si les conditions d’organisation, de mobilisation ne sont pas réunies, ce sera difficile. Une Can, c’est une fête. J’imagine mal qu’on joue une Can avec des gradins vides parce qu’il y a des mesures barrières en vigueur. Partant de là, si tout cela ne peut pas être assuré, je suis d’avis qu’il faut reporter. Connaissant les instances dirigeantes, je pense que les meilleures décisions seront prises.
La Caf a remis des subventions à ses fédérations membres. À quoi vont servir ces ressources ?
La Caf et la Fifa ont payé par anticipation une subvention annuelle de 200.000 dollars (118 millions de FCfa). Je pense qu’elles vont aussi réfléchir pour une aide d’urgence, c’est-à-dire une aide spéciale. Ça va venir en appoint à la subvention annuelle. Nous sommes autorisés à utiliser cette subvention dans ce contexte de Covid-19. C’est une bonne chose, surtout chez nous au Sénégal, car à côté de la relance du championnat, nous avons mis en place un fonds spécial post-Covid-19. Il devait être alimenté sur fonds propres et comme nous avons mis presque 300 millions de FCfa, la Fifa a aussi décidé d’accompagner. Nous avions aussi prévu que la Caf allait donner, sans oublier une contribution de l’Etat, des partenaires. Tout ça va constituer le fonds post-Covid. Et les appuis que la Caf et la Fifa vont donner nous seront d’un grand secours pour aider les acteurs. Nous avons fait une première subvention et nous espérons avoir, d’ici novembre, les moyens d’aider encore les clubs pour qu’ils puissent, à défaut de payer l’intégralité des salaires, indemniser leurs joueurs et leurs encadreurs afin d’atténuer les effets de la crise.
Propos recueillis par Demba DIENG